PORTRAIT DE FAMILLE : LES BERTRAND
Depuis des générations, la famille Bertrand est ancrée dans le terroir de Saint-Émilion, façonnant avec passion et dévouement l’histoire viticole de cette prestigieuse appellation. C’est sur ces terres familiales, empreintes de tradition et de savoir-faire, que Jacques et Jacqueline Bertrand et leurs enfants ont uni leurs forces en 1995 pour perpétuer l’héritage, gérant ensemble les deux domaines : le Château Carteau Côtes Daugay et le Château Franc Pipeau, deux Saint-Émilion Grand Cru.
Mais l’engagement des Bertrand ne s’arrête pas à leurs vignes. Profondément attachés à la vie collective de Saint-Émilion, ils en ont toujours été des acteurs impliqués. Jacques Bertrand, figure emblématique du vignoble, a présidé le Syndicat Viticole de Saint-Émilion (aujourd’hui Conseil des Vins de Saint-Émilion) de 1994 à 1999. Jurat depuis 1975, il a exercé la fonction de Premier Jurat entre 2008 et 2011. Avec ardeur et générosité, il a consacré une part précieuse de sa vie à défendre et promouvoir les intérêts des viticulteurs de la région.
Jacques Bertrand nous a quitté le 25 avril. Nous lui rendons hommage avec cette interview réalisée en famille il y a quelques temps.
Aujourd’hui, la relève est assurée. Son fils Bruno, nommé Jurat en 2011, poursuit cet engagement au sein du Conseil d’Administration du Conseil des Vins. En tant que Marguillier de la Jurade, il mène désormais les cortèges de Jurats lors des grandes célébrations, perpétuant ainsi l’esprit de tradition et de transmission qui anime la famille.
Si Jacques savourait depuis quelques années une retraite bien méritée, l’aventure familiale se poursuit désormais avec Bruno et ses sœurs, Anne-Marie et Catherine, qui veillent sur le domaine avec le même souci d’excellence. Tandis que Bruno supervise les vignes et le chai, Anne-Marie et Catherine orchestrent la commercialisation et la gestion administrative. Et lorsque vient le temps des vendanges, c’est toute la famille, enfants et amis, qui se rassemble, unie par l’amour du vin et le respect du savoir-faire ancestral. Car chez les Bertrand, le vin n’est pas qu’une histoire de terroir : c’est avant tout une histoire de famille.
Pour lui, la Jurade a toujours été une fête, une invitation à la rencontre et au partage. Elle lui a offert l’opportunité de s’ouvrir au monde, tout en accueillant le monde chez lui, à Saint-Émilion.
Dans les années 70, il était un jeune agriculteur animé par le désir de bouleverser les codes. Thierry Manoncourt, alors Premier Jurat, avait su déceler en lui une énergie novatrice et une vision avant-gardiste du vignoble. Conscient de son audace, il a choisi de l’intégrer à leurs rangs, convaincu que son enthousiasme et ses idées seraient des atouts précieux.
La Jurade était pour Jacques une véritable reconnaissance, un sceau apposé sur des années de passion et de dévouement. Elle lui a permis de tisser des amitiés profondes avec des figures du monde viticole, des personnalités qui, grâce à lui, ont pu découvrir l’âme de Saint-Émilion.
« La maison de Carteau était un lieu d’accueil, où se croisaient personnalités et figures emblématiques du monde artistique. Je me souviens par exemple de Richard Cocciante, de tant d’autres invités célèbres, et de Julie Gayet, qui, bien avant son intronisation en 2015, avait déjà fait halte chez nous. Le jour de son intronisation, elle a chaleureusement remercié mon père pour lui avoir appris l’art de la dégustation quelques années plus tôt.
Carteau, c’était aussi le rituel des arrivées des célébrités. Les invités étaient accueillis par l’odeur des omelettes de maman, Jacqueline, qui nous a quittés récemment, et par un bon verre de vin partagé dans la convivialité.
Lorsque j’étais adolescent, j’éprouvais une admiration profonde pour la Jurade et tous ces hommes en rouge. Thierry Manoncourt et Jacques Hebrard, emblématiques et charismatiques Premiers Jurats, lorsqu’ils venaient rendre visite à mon père à Carteau, m’observaient durant mon travail au chai et me félicitaient. J’étais impressionné par leur présence mais ces instants ont marqué mon apprentissage et nourri mon respect pour cette tradition. »
« La Jurade est un merveilleux outil de promotion collective des vins de Saint-Emilion et être Jurat c’est exceptionnel. De nos jours, nous sommes très nombreux (près de 130 Jurats en activité), ce titre qui n’est pas donné à tout le monde doit être un gage d’implication pour la collectivité. Autrefois, la robe incarnait une distinction suprême, confiée aux plus méritants, et il nous appartient de préserver cet esprit d’excellence.
Depuis 2023, j’ai l’honneur d’être Marguillier. Pourtant, je pense que ce rôle pourrait être plus souvent redistribué, afin que chaque Jurat puisse ressentir pleinement son implication.
J’espère qu’un des enfants de la famille reprendra le flambeau car nous sommes tous tellement fiers que notre famille soit représentée au sein de la Jurade.
Aujourd’hui, c’est moi qui porte la robe, mais mes sœurs en auraient été tout aussi dignes. Cependant, dans l’esprit de notre père, ce rôle devait revenir à un garçon, bien qu’il n’ait jamais cessé de revendiquer son engagement en faveur de l’ouverture de la Jurade aux femmes. »
PORTRAIT DE FAMILLE : LES BERTRAND
Pour Bruno, lors de la Fête de Printemps ou le Ban des Vendanges, c’est toujours un bonheur de voir Saint-Emilion en fête et se sentir un acteur vivant de ces évènements.
Tout au long du défilé aux flambeaux dans les ruelles de Saint-Emilion, on peut ressentir une énergie, on sent vibrer la pierre sous nos pas et là on perçoit dimension historique.
Au moment de la proclamation du haut de la Tour du Roi, les noms clamés haut et fort font résonner l’histoire, les Jurats sont en osmose.
La Jurade permet de fédérer la viticulture saint-émilionnaise, ce sont des évènements qui rassemblent toutes les catégories de vignerons sans distinction, ils sont le lien qui préserve notre identité et célèbre notre héritage.
Aujourd’hui, la Jurade et le Conseil des Vins de Saint-Emilion rendent hommage à Jacques Bertrand et adresse ses sincères condoléances à sa famille et ses proches.